Mario Morelli est un réalisateur à plusieurs casquettes. Tantôt réalisateur multi-caméras, journaliste, directeur artistique, en tournages extérieurs ou sur un plateau, en salle de montage, il partage avec nous les facettes de son métier.

Comment décrirais-tu ton métier ?

C’est un métier dont le sens est tellement vaste aujourd’hui… Pour ma part, je suis plutôt sur différents postes, à différentes étapes. De journaliste sur le terrain, à réalisateur plateau ou en salle de montage, j’ai plusieurs casquettes et c’est ce qui me plaît dans mon métier. Parfois, je suis journaliste, comme récemment sur un documentaire dont la thématique était l’investissement des pères dans l’éducation des enfants  ( France 3 : 52min), ou un reportage scientifique sur les animaux monogames VS polygames ( M6 : 8min). À chaque étape de fabrication, il faut penser à la globalité de ce que produira l’ensemble du programme. C’est aussi et surtout un travail d’équipe, c’est très important de nouer des liens privilégiés avec ses cadreurs, ses monteurs, par exemple. 

Sur E=M6 tu interviens à quel moment ?

Dans un premier temps je réalise les plateaux de l’émission (décor 3D temps réel). Puis, plus tard, je récupère les différents sujets que la rédactrice en chef , Camille Robiaud, et Mac Lesggy, ont supervisé. Alors accompagné par notre fidèle équipe de monteurs, nous donnons sa forme finale au magazine. L’assemblage, qui a lieu chez Atlantis,  est une étape importante : il faut avoir l’oeil partout, être méticuleux sur les petits détails, tout en gardant une vision d’ensemble. J’essaye toujours de mettre dans la peau du téléspectateur, de préserver la fluidité du programme, et bien entendu d’être sensible au fond et à la forme.

Tu travailles exclusivement pour E=M6 ?

C’est effectivement la plus grande partie de mon temps professionnel. En parallèle, je réalise parfois des documentaires pour d’autres sociétés de production (Causette par exemple). Je travaille sur des projets qui traitent de thématiques très différentes telles que : la paternité, le changement de regard sur les « quartiers sensibles », l’opéra etc.  Je suis un peu comme un musicien qui passe d’un orchestre symphonique, à un quatuor, les formats changent, les thématiques elles aussi, mais au final ce qui compte c’est de prendre plaisir à jouer les différentes partitions.

Quelle est ta formation ?

Après l’obtention de mon bac C  (scientifique), je voulais être architecte. Je suis passionné par le dessin, et ce métier m’attirait car il associe la science et l’art, j’ai loupé ma lettre de candidature à l’école en question. Mon deuxième fantasme était de devenir ingénieur du son sur des concerts. J’ai donc passé un DUT d’électronique avec cet objectif en tête. Au cours d’un stage à France 3 région, à Reims, j’ai eu une révélation. Ce n’était pas lesmétiers du son qui me convenaient mais plutôt l’univers de la télévision. J’ai donc poursuivi une formation audiovisuelles à l’Université de Valenciennes (Licence / Maîtrise). Cette école était très technique et très poussée, j’y ai appris  énormément de choses, comme la photo argentique, les décryptages de signaux vidéos … Bon entre nous on faisait aussi énormément la fête #zinzins. Et, en 1987, j’ai eu la chance de faire un stage tout un été sur un car régie multi-caméras. La dernière année, j’ai effectué mon stage de fin d’année chez le post-producteur Vidéo System, une superbe expérience pour la connaissance des effets spéciaux vidéo. Il faut se remettre dans un contexte où les gigantesques salles de montage étaient bien plus complexes qu’aujourd’hui, car l’arrivée de l’Avid a énormément allégé notre métier. À mes débuts j’étais monteur-truquiste, et il fallait alors assimiler la technique de nombreuses machines toutes différentes (magnétoscopes, éditeurs de montages multi-machines, mélangeurs, générateurs d’effets 3D, …), c’était un peu comme piloter un avion.

Tu as commencé dans quelle société ?

J’ai commencé par des piges quand j’étais étudiant, la nuit à la régie finale de la Cinq de Berlusconi, et puis donc mes différents stages. Mais j’ai du partir faire mon service militaire à la cellule audiovisuelle de l’état-major des Forces françaises en Allemagne (à Baden-Baden). Nous étions un outil de communication et de formation audiovisuel. Cette expérience aura été avec le recul, malgré tout, assez dingue. Nous étions deux et nous occupions tous les postes, un peu comme Remy Bryca. J’ai appris énormément cette année là. Et même si le temps nous paraissait un peu long parfois mais trouvions des parades pour nous divertir, mais chut … 

Depuis quand travailles-tu pour E=M6 ?

Lors de mon service j’ai eu la chance d’avoir mon premier enfant. Il fallait donc que je trouve un travail très rapidement, et en postulant j’ai eu 4 réponses positives. « Autres temps, autres mœurs… » Nos stages se transformaient bien plus rapidement en boulot qu’aujourd’hui. La situation a bien changé… Je suis rentré comme monteur-truquiste dans une société de post-production, équipée d’un plateau (Vidéo Day) et je montais pas mal de spots avec beaucoup d’effets spéciaux, des films pour Chanel, … c’était très complet. J’ai le souvenir d’y avoir croisé Gérard Depardieu, pour de vrai !  J’avais un rythme de dingue, parfois dans la même journée j’enchaînais quatre clients qui louaient la salle à l’heure. Je commençais à 7h du matin, et je terminais assez souvent à 1 heure le lendemain matin.  Un jour, un jeune ingénieur à lunettes zébrées s’est présenté pour faire l’habillage du pilote d’une nouvelle émission pour M6. Ce soir là, nous avons pris le métro ensemble, et je me suis retrouvé à faire le premier trajet de ce qui allait être un long voyage aux côtés d’Olivier Lesgourgues(alias Mac Lesggy ). Puis très vite je suis devenu free-lance pour différentes sociétés de post-production, et à M6 (« la petite chaine qui monte »), je finalisais entre autre l’émission d’E=M6, qui donc avait vu le jour. J’étais aussi truquiste sur les émissions en direct d’M6, dont celles de Pullicino par exemple. Puis au bout d’un an le producteur d’E=M6, m’a proposé de passer du poste de monteur à celui de réalisateur.

Qu’est ce qui te plait le plus dans ton métier ?

J’apprends de nouvelles choses toutes les semaines. C’est la chance de notre métier, et particulièrement d’un magazine scientifique. Car la science est un domaine très vaste et elle évolue tous les jours.

Tu regardes quoi à la télé ?

En ce moment, avec le couvre-feu, je fais un zapping de différentes séries. Je suis un zappeur compulsif. J’aime beaucoup La Quotidienne par exemple car eux, ils zappent à ma place !

Quel est le reportage dont tu es le plus fier ?

Je n’ai pas à être “fier” de mes reportages. Celui qui m’a marqué le plus, dirons nous, c’est un reportage pour Arte que j’avais fait en Russie sur les SDF de Saint-Pétersbourg. Je remercie au passage Catherine Rouault la talentueuse productrice.  L’association qui leur venait en aide allait chaque année en Suisse pour récolter des fonds de soutien. Lorsque le directeur de l’ONG, leur a présenté le reportage ils ont récolté dix fois plus de dons que d’habitude et ont pu ainsi acheter un bus itinérant. L’image est parfois utile pour faire passer un message.

Elle doit toujours être utile l’image ?

Pas spécialement. Au contraire, elle peut être aussi gratuite et ne pas avoir de but, autre que le « plaisir sensoriel ». Une caméra c’est un stylo. On peut dessiner, ou écrire, tout ce que l’on veut avec.

Le dessin, justement c’est une partie importante de ta vie, de tes influences ?

Mon père a fait les beaux-arts, mon arrière grand-père avait créé les premiers cinémas d’Alexandrie. Mon grand-père est un des pionniers de la bande-dessinée en langue arabe. D’ailleurs, pour l’anecdote, il s’appelait Mario Morelli. Il a créé un personnage de bande-dessinée en Egypte dans les années 50, Zouzou. Il est dit que c’est lui qui aurait apporté le principe de la bulle dans la BD en langue arabe. En parallèle il illustrait aussi des manuels scolaires. D’une certaine façon e=m6 c’est un peu la même chose. Notre but est de vulgariser des domaines sérieux, scientifiques, technologiques, historiques. C’est ce que j’aime dans ce programme. J’ai une formation scientifique, et je suis passionné d’art et d’Histoire, e=m6 m’offre un beau compromis entre les deux. Je trouve Olivier Lesgourges et Nicolas Goldzahl très audacieux d’avoir eu l’idée de proposer une émission de vulgarisation scientifique à une chaine de télévision ! Aujourd’hui quand je peux glisser un clin d’œil à l’univers de la BD dans mon travail, je ne me gêne pas.

Tu as des habitudes à Atlantis ?

Oui, j’ai toutes mes marques ici. J’ai des rituels, des gens que je croise quotidiennement, et aussi parfois de vieilles connaissances que j’ai plaisir à croisser. Dans l’immeuble nous avons la chance d’avoir une vue exceptionnelle, sur la Seine, et la Tour aux Figures sur l’Île-Saint-Germain. Nous faisons des métiers très absorbants, c’est important de pouvoir poser son regard au loin dans la journée. Et il y a aussi la Paillote que j’affectionne particulièrement. C’est un super lieu pour se retrouver entre collègues (mais néanmoins amis 🙂 ) , et d’échanger avec les confrères des autres émissions,  c’est très convivial.